Comment réussir le choix de ses équipements en zones ATEX ?

Le 25/04/2022 à 10:30 par La rédaction

Fondamentaux

Pour protéger aussi bien le personnel que les outils de production, il est primordial d’intégrer les bons dispositifs de sécurité dans son installation. Un certain flou peut toutefois régner à l’égard des zones ATEX. Camille Durand, ingénieur en sécurité des procédés à l’Ineris, vous aide ici à y voir plus clair.

Pour commencer, pouvez-vous définir ce qu’est une atmosphère explosive ?

Camille Durand : Une atmosphère explosive (ATEX) est un mélange avec l’air, dans les conditions atmosphériques, de substances inflammables sous forme de gaz, vapeurs, brouillard ou poussières dans lequel, après inflammation, la combustion se propage à l’ensemble du mélange non brûlé. En d’autres termes, une ATEX est un nuage de combustible en suspension dans l’air. Ce combustible peut être une vapeur inflammable (par exemple à la surface d’un liquide inflammable qui s’évapore facilement), un gaz inflammable (comme le propane ou le méthane), un brouillard (un brouillard d’huile en microgouttelettes en suspension dans l’air par exemple) ou un solide pulvérulent (de la farine en suspension dans l’air par exemple). Une ATEX définit donc un espace dans lequel un combustible est en suspension dans l’air (l’air jouant alors le rôle de comburant). Autrement dit, une ATEX est un espace dans lequel deux conditions sur trois sont réunies dans le triangle du feu.

Une fois ces deux conditions réunies, il ne reste plus qu’à apporter une source d’énergie, sous forme de chaleur, de flamme ou encore de décharge électrique ou électrostatique pour obtenir une combustion. C’est la troisième condition du triangle du feu. Il faut bien noter qu’une explosion d’ATEX est une combustion. Ces trois conditions ne suffisent toujours pas à obtenir une explosion. Pour cela, il faut également être dans le domaine d’explosivité ! En effet, un milieu trop pauvre en combustible ne pourrait s’enflammer. De même qu’un milieu trop riche en combustible ne laisserait pas suffisamment d’air pour obtenir une combustion. On définit ainsi une limite inférieure d’explosivité (LIE) et une limite supérieure d’explosivité (LSE).

Finalement, la meilleure représentation schématique d’une explosion d’ATEX est l’hexagone de l’explosion. On retrouve le triangle du feu (en rouge) et le domaine d’explosivité ainsi que le combustible en suspension (en vert). La dernière composante de l’hexagone est le confinement qui est un facteur aggravant. En effet, une explosion survenant en milieu confiné est bien plus grave en termes de dégâts causés qu’une explosion survenant à l’air libre.

On comprend que tout est une question de probabilités ! Pour être certain de ne pas avoir d’explosion, il faut supprimer l’une des trois conditions du triangle du feu. Dans certains cas, il est également possible de jouer sur le domaine d’explosivité. Le travail du responsable de la sécurité en entreprise est donc d’éviter qu'une ATEX se forme, c’est-à-dire éviter d’avoir du combustible en suspension dans l’air. Pour ce faire, une directive européenne (Directive ATEX 1999/92/CE) présente en annexe 1 trois types de zone. Ces zones correspondent à des probabilités d’être en présence d’une ATEX dans une installation industrielle. On distingue alors trois cas de figure selon le fonctionnement de l’installation :

  1. Le cas permanent : la zone 0 ou 20 (si l’ATEX est formée par un solide pulvérulent). Dans ce cas, l’ATEX est présente en continu en fonctionnement normal (par exemple : le ciel d’une cuve d’acétone).
  2. Le cas occasionnel : la zone 1 ou 21 (si l’ATEX est formée par un solide pulvérulent). Dans ce cas, l’ATEX est présente de manière occasionnelle (par exemple : le déversement d’un solide pulvérulent une fois par jour).
  3. Le cas accidentel : la zone 2 ou 22 (si l’ATEX est formée par un solide pulvérulent). Dans ce cas, une ATEX pourrait se former en cas de scénario accidentel (par exemple : l’épandage d’un liquide inflammable sur le sol après une rupture de bidon de stockage).

Ce classement en zones ATEX ne tient pas compte des sources d’inflammation. Nous sommes dans le cas où l’on distingue l’apparition permanente en fonctionnement normal de l’installation, le cas occasionnel et le cas rare ou accidentel.

Quelles peuvent être les sources d’inflammation en milieu industriel ?

C. D. : En matière de risques ATEX, quand on parle de la source d’inflammation, on pense en premier lieu aux étincelles (d’origine électrique ou mécanique), aux flammes nues ou tout simplement à la foudre. Mais l’inflammation peut aussi prendre son origine d’une opération durant le procédé de fabrication. Par exemple, l’origine d’une source d’inflammation peut provenir de l’action de verser du sucre dans une cuve ou simplement de créer une décharge d’électricité statique au niveau d’une partie métallique non reliée à la terre. Certaines sources d’inflammation peuvent aussi avoir pour origine une machine (surface chaude) ou une réaction chimique (réaction très exothermique ou l’auto-inflammation d’un produit). Pour y voir plus clair, la norme EN 1127-1 recense treize sources d’inflammation possible. Parmi les plus courantes dans l’industrie, on retrouve : les surfaces chaudes, les flammes et gaz chauds (incluant les particules chaudes), les étincelles d'origine mécanique, l’électricité statique, les appareils électriques, la foudre.
La plupart des sources d’inflammation sont facilement identifiables. Par exemple, on interdira la cigarette dans une zone ATEX. Pourtant, certaines substances telles que les gaz, s'enflamment à des énergies bien plus faibles. On dit alors que ces substances sont sensibles au phénomène électrostatique. Prenons le cas du méthane (gaz de ville). Une énergie de 0,28 mJ suffit à enflammer ce gaz. Or, 0,28 mJ c’est à peine 30 % de l’énergie dégagée quand on enlève son pull et qu'on ressent une petite décharge d’électricité statique. Et c’est 300 fois moins énergétique que lorsqu’on se prend une châtaigne en sortant de sa voiture. Autrement dit, une décharge d’électricité statique non perceptible par l’être humain suffit à enflammer une atmosphère de méthane et donc à créer une explosion. De quoi réfléchir à deux fois avant d’allumer la lumière dans sa chaufferie ! À moins que vous soyez certain qu’il n’y a pas de fuite de gaz !

L’infographie ci-dessous permet de se rendre compte du niveau d’énergie nécessaire à enflammer une ATEX de certaines substances.

Quelles sont les directives aujourd’hui applicables aux exploitants d’installation ?

C. D. : En matière d’ATEX, deux directives européennes sont à retenir : une directive à destination des constructeurs de matériels ou assemblages destinés à fonctionner en zone ATEX (Directive 2014/34/UE), une directive destinée aux exploitants d’installations qui présentent des risques ATEX (la directive 1999/92/CE présentée partiellement dans le paragraphe précédent).

Une troisième directive européenne dite « directive machines » (Directive 2006/42/CE) encadre la mise sur le marché des machines sans compromettre la sécurité et la santé des travailleurs. Le responsable de la mise sur le marché a l’obligation de respecter les règles techniques de conception prévues par le Code du travail. Ainsi, en matière d’ATEX, on ne s'intéresse pas au fonctionnement interne des machines soumises à cette directive. Attention toutefois à l’installation et à l’utilisation qui doivent respecter des règles bien précises données par le constructeur.

La directive européenne 1999/92/CE est transposée en droit français dans le Code du travail.

La directive européenne 2014/34/UE est transposée en droit français dans le Code de l’environnement.

Ces directives sont souvent mal comprises et interprétées par les exploitants. Selon les industries, des guides d’application sont disponibles. Pour vous aider à appliquer la réglementation, un guide* de bonne pratique à caractère non contraignant pour la mise en œuvre de la Directive 1999/92/CE est disponible

Quelles sont les erreurs que peuvent commettre les industriels lorsqu’ils choisissent leurs équipements ATEX ?

C. D. : L’erreur récurrente des industriels en matière d’ATEX est de ne pas prendre le temps de bien caractériser leur produit. C’est-à-dire vouloir commander du matériel ATEX ou définir un classement de zone sans même connaître les caractéristiques d’explosivité et d’inflammabilité des substances mises en œuvre dans leurs industries. La plupart des caractéristiques demandées (pression maximale d’explosion, KST, énergie minimale d’inflammation (EMI), point d’éclair (pour les vapeurs inflammables), …) ne sont pas disponibles dans les fiches de données sécurité. De plus, dès lors qu’un nouveau produit ou mélange est introduit dans un procédé, celui-ci doit être examiné avec attention afin de s’assurer qu’il ne présente pas de risque de former une ATEX. Si un matériel ATEX est commandé sans connaître la zone ATEX ni les principales caractéristiques d’explosivité et d’inflammabilité, celui-ci risque de ne pas être adapté à la zone et au produit. Par mesure de précaution, les fournisseurs de matériel proposent alors un matériel “trop contraignant” vis-à-vis de la réalité et donc bien plus cher. Une deuxième erreur récurrente est de négliger la maintenance des appareils ATEX. En zone ATEX, un appareil doit être maintenu dans le temps et nécessite des compétences précises. L’équipe de maintenance doit être formée.

Diriez-vous qu’il y a une négligence généralisée de la part des industriels à l’égard de l’ATEX ? Ou un manque de connaissance ?

C. D. : Il s’agit d’un manque de connaissance vis-à-vis de l’ATEX. S’il y a négligence, elle est involontaire. Le risque ATEX est en général dans les principales préoccupations des responsables de sécurité des sites. Cependant la démarche d’évaluation est souvent méconnue !

Un petit rappel est alors nécessaire :

  • Dans un premier temps il faut caractériser ses produits ou en tout cas chercher les principales caractéristiques d’explosivité et d’inflammabilité dans les fiches de données sécurité. En cas de doute, une base de données est disponible gratuitement en ligne : la base CarAtex de l’INRS. Parfois, un produit très dangereux peut être remplacé par un autre (par exemple, certains solvants inflammables peuvent être remplacés par de l’urée) ;
  • Ensuite il faut repérer où ces produits sont manipulés, transformés et transportés, de manière à définir des zones ATEX. Pour réaliser le classement de zone, il peut être intéressant de se faire aider par un bureau d’études ;
  • Les zones étant en place, il faut alors suivre la démarche suivante :
    • Éviter la formation d’ATEX par des mesures précises ;
    • Si on ne peut éviter la formation d’ATEX, supprimer les sources d’inflammation (choisir du matériel ATEX par exemple) ;
    • Si cela n’est pas possible, il faut alors se protéger contre une explosion probable et installer du matériel qui permet de gérer une éventuelle explosion. Il est à noter qu’un appareil électrique en zone ATEX ne sera pas fiable à 100 %, aussi, il faudra tout de même prendre des précautions vis-à-vis de la protection contre l’explosion, même si le matériel adéquat est installé (notamment en zone 0/20 et 1/21).

Comment les appareils sont-ils classés dans la directive 2014/34/UE ?

C. D. : Les appareils sont classés selon le mode de protection. On différencie alors le matériel électrique du matériel non électrique. L’infographie ci-contre présente ce qui doit apparaître sur un matériel ATEX. En complément d’un marquage clair et conforme, il convient également d’obtenir du fournisseur d’équipement un certificat ATEX.

Le marquage doit présenter les informations suivantes :

Le groupe d’appareils I correspond aux appareils en sous-terrains ou mines. Cette catégorie est très rare dans la plupart des industries. Dans l’industrie agroalimentaire par exemple, il est question des appareils de groupe II, c’est-à-dire des appareils de surface.

Ensuite, la classification des appareils est fonction du classement de zone préalablement effectué. Le tableau ci-dessous présente de manière claire le marquage minimal exigé selon les zones ATEX définies.

Pourquoi contrôler la classe de température du matériel ATEX ?

C. D. : Un appareil, lorsqu’il est en fonctionnement, dégage de la chaleur. Cette chaleur dégagée peut suffire à enflammer une ATEX formée par le produit mis en œuvre dans la zone où se situe la machine. Il convient donc d’avoir une température maximale de température de l’appareil inférieur à la température qui serait susceptible d’enflammer une ATEX. C’est ce qu’on appelle la classe de température. Par exemple, le méthane a une température d’auto-inflammation de 537 °C. Il conviendra donc que le matériel en zone ait une température inférieure à 537 °C. On choisira alors la classe de température T1 qui est de 450 °C et qui est aussi la classe de température la plus élevée. La classe la plus basse étant la T6 à 85 °C.

Que peut faire un industriel qui cherche à se mettre en conformité vis-à-vis du risque ATEX ? Que faire s’il ne maîtrise pas parfaitement toutes les données ?

C. D. : L’un des principaux messages à retenir serait de se faire accompagner. Un responsable HSE, par exemple, doit gérer plusieurs sujets liés à la sécurité : risque électrique, travaux en hauteur, risque chimique, etc. On comprend aisément que le risque ATEX n’est pas le principal champ de son activité. Autant se faire accompagner. L’accompagnement permettra une montée en compétences du personnel HSE. Chaque zone initialement définie sera alors accompagnée de recommandations visant à diminuer, voire supprimer la zone. L’accompagnement se poursuivra alors sur le choix des équipements ATEX à installer en zone ainsi que les modes de protection contre les explosions.

Et si on se testait à l’exercice du classement de zone ?

C. D. : Sur le schéma ci-dessous, on a un opérateur qui remplit une cuve de liquides inflammables avec un solide pulvérulent inflammable. Quelles sont les zones à repérer ? (Solution plus bas)

 

*COMMUNICATION DE LA COMMISSION relative au Guide de bonne pratique à caractère non contraignant pour la mise en œuvre de la Directive 1999/92/CE du Parlement européen et du Conseil concernant les prescriptions minimales visant à améliorer la protection en matière de sécurité et de santé des travailleurs susceptibles d'être exposés au risque d'atmosphères explosives.

 

 

 

 

 

 

 

 

SOLUTION :