Carrières, sont-elles durables ?

Le 14/09/2011 à 10:40 par La rédaction

Le développement durable pour carrières

Préserver les ressources, les hommes et l’environnement est un enjeu pour lequel s’est engagée la profession des producteurs de granulats, à l’image des attentes sociétales. État des lieux du secteur et des pratiques durables mises en place.

Durable comme durer, c’est bien le vœu des producteurs de granulats. Pour autant, il ne s’agit pas de maintenir une activité sous perfusion. Les gisements, s’ils sont épuisables, sont loin d’être épuisés. La France regorge de richesses géologiques. Cependant les conditions d’accès aux ressources sont limitées (étalement urbain, sites naturels protégés, etc.). De ce fait un développement durable des carrières s’est imposé progressivement, depuis une dizaine d’années. On produit en considérant l’impact d’une activité sur l’environnement et les populations. Si ces données sont inscrites dans la réglementation, la profession s’est penchée sur ces questions dès les années quatre-vingt-dix et une charte Environnement accompagne les entreprises vers les bonnes pratiques. Enfin, pour pérenniser leurs activités, les carriers développent des méthodes de production alternative, limitant le recours aux graves naturels.

Quelques grands principes

« L’exploitant prend toutes les dispositions nécessaires dans la conduite de l’exploitation pour limiter les risques de pollutions des eaux, de l’air ou des sols et de nuisances par le bruit et les vibrations et l’impact visuel », tels sont les grands traits de la réglementation mentionnés dans un arrêté de 1994 spécifique aux exploitations de carrières, régulièrement réformé. « C’est notre référence de base, précise Frédéric Dudilot, secrétaire général à l’Unicem (1) d’Aquitaine, une région historiquement riche en gisements. Ca ne veut pas dire qu’il y a obligation de capoter les bandes transporteuses. À chaque exploitant de déterminer ses besoins pour le respecter. Mais nous sommes une des professions les plus réglementées et surveillées ». L’autorisation d’exploitation d’un site est soumise à des études d’impacts et de dangers ainsi qu’à une enquête publique lancée par la préfecture. Si les carrières engendrent souvent la crainte des riverains, la profession a vu la nécessité de s’ouvrir au public (portes ouvertes, cellules de concertation). « Nous avons créé un comité de suivi avec des communes environnantes et une association de riverains, explique Yannick Huiban, responsable de la carrière de la Faubretière, en Loire-Atlantique (voir JDV n° 77). On se réunit une fois par an et plus avec les riverains pour expliquer nos travaux sur les vibrations et le bruit ou l’Iso 14 001. Un dialogue est instauré, mais ça n’a pas toujours été le cas. En 2003, la réactivation de la carrière en sommeil avait créé des conflits ».

Une charte pour aller de l’avant

Captage des poussières, arrosage des pistes ou plan paysager, le site de Rinxent dans le Nord-Pas-de-Calais (Carrières de la Vallée Heureuse), produisant 2,5 M de t/an de granulats, veut réduire ses impacts. « Nous extrayons les particules volatiles les plus fines de nos sables par défilarisation, nous sensibilisons les transporteurs au bâchage des camions et nos tirs de mines séquentiels limitent les nuisances car les premiers riverains se situent à moins de 500 m », énumère Maxime Hénaux, responsable qualité, sécurité et environnement de l’entreprise, dont Lafarge est un actionnaire minoritaire mais « significatif ». Fin 2010, Rinxent s’est vu décerner le plus haut niveau de la Charte Environnement de l’Unicem, le 4, parmi 100 nouveaux diplômés. La carrière a répondu à 80 bonnes pratiques identifiées dans un référentiel. « C’est un outil de management environnemental pour faire évoluer ces critères au sein des carrières, précise Catherine Bonin-Lechenault, présidente de la Charte (2) depuis 2004, année de lancement. Avec celles qui sont engagées, nous définissons un plan d’action avec des objectifs à 3 ans, contrôlés chaque année par un auditeur externe. Nous ne contrôlons pas la réglementation, mais de fait la charte permet de mieux la respecter ». 400 entreprises sont engagées, grands groupes ou producteurs indépendants, soit au total près de 1000 sites sur les 1600 adhérents de l’Unicem. Cependant la France compte 2300 carrières. « Certaines sont en sommeil ou actives par intermittence, d’autres ont leurs propres démarches, précise Catherine Bonin. Il y a des marges de progrès mais nous avons créé un outil de terrain très simple, complémentaire de l’Iso 14 001 et particulièrement adapté aux PME pour les aider à progresser ».

Recyclage et valorisation 100 %

Les carrières de Paca sont parmi les plus dynamiques dans le domaine environnemental. Certaines, comme chez Eurovia Carrières Méditerranée, pratiquent le recyclage et la valorisation des coproduits. « La forte proportion de parcs naturels, les zones agricoles ou l’urbanisation, nous ont incité à trouver des solutions dues au manque d’accès aux gisements, l’objectif étant d’avoir des matériaux qui voyagent peu », explique Jean-François Chabaud, ingénieur étude et foncier au sein du groupe. C’est le cas de Durance Granulats (Eurovia) près d’Aix en Provence où le site de Meyrargues, inexploité, est reconverti depuis 1996. « Nous avons commencé par des matériaux rocheux de la ligne TGV sud-ouest, précise Benoît Weibel, le responsable des sites de l’entreprise. Aujourd’hui ce sont des excédents de terrassements, déblais inertes de chantier, déconstruction de routes ou gravats de déchetterie, un volume de 300 000 t/an ». Les éléments inexploitables sont séparés grâce à une installation de tri : fer, plastique papier ou plâtre. Le site de Gardanne est mixte : recyclage et extraction. Ici 20 % des stériles, des matériaux inertes argileux, sont valorisés grâce à un procédé de transformation à la chaux, soit 20 % d’économie de gisement naturel. « Sans dévoiler nos techniques, on peut dire que l’argile est calcifiée pour la rendre insensible à l’eau, explique Jean-François Chabaud. Les matériaux répondent aux normes de qualité pour les VRD, remblais ou sous-couches, soit 80 % des besoins du BTP ». Dans l’Aude, Domitia Granulats valorise ainsi 100 % de son extraction. « Nous en produisons 430 000 t/an, ajoute le représentant d’Eurovia. Le recyclage et la valorisation à 100 % sont des axes importants pour l’avenir, nous en sommes persuadés ». « Pour l’instant les normalisations nous empêchent de mélanger les granulats recyclés et naturels mais nous avons des pistes de recherches, conclut à son tour Bruno Huvelin, dont Cemex Granulats Val-de-Seine pratique le recyclage en région parisienne. C’est important pour économiser la ressource ».

(1) Union nationale des Industries de carrières et des matériaux de construction
(2) Catherine Bonin-Lechenault est directrice de la performance chez Cemex Rhône Méditerranée.
Frédéric Ripoche