Comment réussir la définition de son transfert pneumatique en phase dense ?

Le 18/05/2021 à 11:30 par La rédaction

Dimensionner une solution de transfert pneumatique, qu’il soit réalisé en phase dense ou en phase diluée, est une opération technique demandant une parfaite maîtrise de la rhéologie des produits à convoyer. Le constructeur Gericke bénéficie de tous les atouts nécessaires pour définir la bonne configuration des installations. Frédéric Parinello, directeur général de Gericke France, nous présente ici l’expertise du constructeur dans le domaine.

 

Frédéric Parinello, directeur général de Gericke France.

Quels sont les éléments à analyser avant de dimensionner une solution de transport pneumatique en phase dense ? 

Frédéric Parinello : Pour définir une solution de transport pneumatique en phase dense, nous accompagnons le client grâce à un questionnaire détaillé. Il est évidemment indispensable de connaître la nature des produits à transporter, mais surtout leur rhéologie. Leur nom générique ne saurait suffire. Par exemple, le sucre de table se manipule et se transporte très simplement. En revanche, une fois broyé très finement, ce même sucre devient du sucre glace qui, lui, est extrêmement compliqué à gérer. Parallèlement, nous devons étudier avec le client l’isométrie du projet, autrement dit le parcours du produit et les éventuelles variables : distances, élévations, nombre de coudes, point de départ, etc. Une fois les premiers éléments déterminés, les phases de calculs peuvent être menées. Rappelons tout de même que dans la mesure du possible, il faut toujours essayer de réduire les distances de convoyage et surtout de limiter le nombre de coudes sur la ligne. En phase dense, la perte de charge d’un coude est équivalente à un tronçon de 8 mètres de tuyauterie droite !

 

Installation réalisée par Gericke pour l’industrie chimique.

La connaissance des constructeurs fait donc la différence ? 

F. P. : Pour schématiser, un transport pneumatique en phase dense est composé d’une cuve conçue pour résister à la pression, équipée de vannes accessoires, d’une console pneumatique permettant de réguler l’injection de gaz dans le système et d’une tuyauterie.  À la différence d’autres équipements industriels de types broyeurs ou mélangeurs par exemple, la conception méca-nique d’un transport pneumatique en phase dense reste relativement simple.  En revanche, ce qui reste complexe est de configurer le transport pneumatique afin qu’il soit adapté à la rhéologie des poudres et à l’isométrie.  Contrairement aux liquides, les lois qui régissent les poudres sont empiriques et pleines d’exceptions. De ce fait, les calculs et dimensionnements sont réalisés à partir de données d’essais et de mise en route stockées dans des bases sur des milliers de produits à partir desquels on construit des modèles de calculs par familles rhéologiques. Les clients sont en général bien conscients de l’importance de la phase de calcul. Ils doivent donc avoir une pleine confiance dans la société en charge du projet. Grâce l’expérience de Gericke, nous pouvons tirer profit des projets équivalents précédemment réalisés et exposer au client les résultats obtenus, voire même procéder à des visites de références équivalentes quand cela est possible. Après chaque mise en route, nous intégrons dans notre système de calculs les données avec un numéro d’échantillon de l’installation en question. Ce sont ces données cumulées qui font toute la richesse d’un constructeur de solutions de transfert pneu-matique en phase dense. Notre force, c’est le nombre de nos références.

 

Installation réalisée pour l’industrie minérale.

La réalisation d’essais préalables est-elle indispensable ?

F. P. : Lorsqu’un client souhaite s’équiper d’une solution de transfert pneumatique en phase dense, nous lui demandons systématiquement des échantillons afin d’appréhender la rhéologie des produits (densité non tassée, spectre granulométrique, fluidisabilité, compressibilité, porosité, forme des grains, etc). À partir de ces analyses et des données du projet (débit horaire, isométrie, etc), nos ingénieurs effectuent les calculs de transport pour définir la pression de transport, le diamètre des tuyauteries, la consommation en gaz, la vitesse de convoyage, etc. Nous réalisons généralement des essais pour deux raisons : vérifier la transportabilité et évaluer les impacts du transfert pneumatique sur les produits. Nous pouvons, en cas de doute sur la transportabilité, être amenés à réaliser  des essais dans l’une de nos stations pilotes sur des isométries de 15 à 300 mètres et des diamètres de tuyauterie de 50 à 150 mm permettant d’attendre des débits instantanés de plus de 30 t/h. Le transport pneumatique en phase dense permet de convoyer les produits à de très faibles vitesses, limitant ainsi les impacts négatifs sur leurs caractéristiques : densité, taux de fines, mouillabilité, forme des grains, qualité du mélange, etc. Par le calcul on peut définir la vitesse de transfert. En revanche, seuls des essais en pilote sur une isométrie très proche de cette projetée, permettront d’appréhender cet impact.

 

Station d’essais de Gericke.
Station d’essais de Gericke.

Pouvez-vous anticiper l’usure des tuyauteries causée par un transport pneumatique de produits abrasifs ?

F. P. : Les effets d’un produit abrasif sur une installation de transfert pneumatique en phase dense sont liés à deux principaux facteurs : la dureté du produit transporté et la vitesse de transfert. La dureté est qualifiée sur l’échelle de Mohs pour laquelle on classe chaque produit en fonction de son aptitude à rayer les autres produits. Sur cette échelle, le produit le moins abrasif, le talc, se trouve à l’échelon 1, alors que le produit le plus abrasif, le diamant, se trouve à l’échelon 10. Le phénomène d’abrasion des tuyauteries est lié au cube de la vitesse de transfert. C’est la raison pour laquelle il convient de réduire au maximum cette vitesse de transfert et de limiter autant que possible le nombre de coudes sur la ligne. Des essais en pilote ne permettent pas de qualifier les phénomènes d’abrasion. Il faudrait mener des essais durant des mois. Les différentes solutions anti-usure que nous définissons (aciers spéciaux, céramiques, etc.) pour protéger les coudes et tuyauteries sont définies de manière empirique sur la base de nombreux retours d’expériences positifs collectés sur des installations de transfert de sable, alumine, calcin, ciment réfractaire, etc.

 

Installation pour l’industrie de l’agroalimentaire.

Vous êtes multiproduits : cela veut-il dire que vous avez des solutions pour tous les types d’applications ?

F. P. : Alors que d’autres constructeurs se concentrent sur certains marchés uniquement, Gericke a fait le choix, il y a plus de 70 ans, de proposer des solutions dans tous les secteurs industriels : agroalimentaire, chimie, industrie minérale, etc. Nous avons également développé des savoir-faire particuliers dans des domaines plus confidentiels tels que le transfert d’uranium, de nanoparticules, de produits dangereux en général. Les modes de fonctionnement d’un transport pneumatique en phase dense ne sont pas dépendants du secteur d’activité mais uniquement de la rhéologie des produits manipulés. En revanche, l’exécution dépend du domaine dans lesquels ils sont utilisés. C’est la raison pour laquelle nous avons développé trois exécutions standards : l’une pour l’agroalimentaire, l’une pour la chimie et une autre pour l’industrie minérale. En marge de ces exécutions standards, nous proposons des transports pneumatiques répondant à tous les cahiers des charges spécifiques de nos clients. Les solutions de Gericke se déclinent en termes de tailles : nous pouvons proposer des équipements avec un expéditeur de 20 litres jusqu’à des systèmes de 5 000 litres, avec des débits allant de quelques dizaines de kilogrammes par heure à 100 t/h sur des distances pouvant atteindre 500 mètres.

Installation de transfert pneumatique pour application hygiénique.

Comment évolue, selon vous, le marché du transport pneumatique ?

F. P. : Le marché du transport pneumatique est en constant essor, et ce pour différentes raisons. Nos filiales installées dans les pays émergents doivent répondre à une très forte demande liée à la construction de nouvelles usines. Contrairement à certaines idées reçues, ces usines, qui appartiennent souvent à des groupes internationaux, appliquent un niveau d’exigence comparable à celui que l’on retrouve par exemple en Europe en termes de sécurité alimentaire, risques chimiques, consommation d’énergie, notamment la consommation de l’air comprimé en transport pneumatique. En Europe, le marché du transport pneumatique suit des évolutions différentes selon les secteurs. Par exemple, l’industrie alimentaire développe des produits de plus en plus sophistiqués qui nécessitent des transports pneumatiques toujours plus soigneux en termes de respect du produit manipulé. Également, les exigences en termes de gestion du risque alimentaire sont très élevées. Pour y répondre nous avons développé une gamme hyper hygiénique destinée au marché du baby food par exemple. Mais quel que soit le secteur d’activité, tous les industriels ont pour objectif de limiter ou de recycler les pertes de production qui autrefois partaient en destruction. Par exemple, les fines collectées au conditionnement, les produits déclassés pour cause d’aspect, etc. Pour répondre à cette demande, nous avons étoffé notre gamme de transporteurs pneumatiques de faibles capacités, entre 200 à 1 000 l/h et à des distances inférieures à 100 mètres.

 


 

TRANSFERT PNEUMATIQUE EN MODE « Bouchon »

Principe de fonctionnement : de manière cyclique, le produit est introduit dans une cuve résistant à la pression, appelée également sas d’expédition, dont le volume dépend du débit et de l’isométrie. Ensuite la vanne d’alimentation se ferme et le transfert peut débuter. Pour cela, de l’air comprimé est injecté de manière séquentielle en partie haute (point A) et en partie basse (point B). L’air supérieur a pour but de contrôler la longueur des bouchons de produit que l’on introduit dans la tuyauterie, alors que l’air inférieur génère des bouchons d’air. Ces bouchons vont se déplacer dans la tuyauterie à faible vitesse (3 à 8 m/s). La taille des bouchons générés est directement liée à la rhéologie des produits et à l’isométrie. Ces éléments sont définis dans le calcul de transport pneumatique.

 

DISTINGUER PHASE DENSE ET PHASE DILUÉE

La phase diluée ou basse pression est un mode de transport dans lequel les vitesses d’air et de produit dans la tuyauterie sont comprises entre 22 et 40 m/s. Le terme phase diluée signifie que par mètre cube d’air de transfert, on transporte peu de produit (3 à 7 Kg/m3). Les pressions de transfert n’excèdent pas 0,7 bar (basse pression). D’une manière générale, tous les produits qui ne sont pas fragiles ou abrasifs peuvent être convoyés en phase diluée. La phase dense ou haute pression est, quant à elle, un mode où les vitesses d’air et de produit dans la tuyauterie sont comprises entre 1 et 15 m/s. Le terme phase dense signifie que par mètre cube d’air de transfert, on transporte plusieurs dizaines de kilo-grammes de produit (15 à 100 Kg/m3). Les pressions de transfert sont de l’ordre de 1 à 3 bar (haute pression). La phase dense est destinée aux produits fragiles, abrasifs, sensibles à l’échauffement et, d’une manière générale, à tous les produits dont les caractéristiques rhéologiques, physiques et chimiques pourraient être affectées par une sollicitation mécanique.