Avenir du charbon : faut-il broyer du noir ?

Le 01/11/2009 à 16:14 par La rédaction

Les incertitudes nées de la crise économique et de contraintes environnementales plus strictes pèsent sur l’économie du charbon. Malgré tout, son rôle dans la production d’électricité et d’acier, illustré par une demande soutenue sur le marché mondial, font du charbon une source d’énergie indispensable.

Sylvie Cornot-Gandolphe, conseillère pour les questions énergétiques auprès du groupe Atic Services.

En guise d’introduction à notre dossier, Sylvie Cornot- Gandolphe, conseillère pour les questions énergétiques auprès du groupe Atic Services, considère qu’une fois mises à niveau les infrastructures portuaires et son transport maritime, le charbon a les atouts pour devenir l’énergie du XXIe siècle.

JDV : Quelle est la situation dans l’économie du charbon présenté comme l’énergie fossile la plus abondante dans le monde ?

Sylvie Cornot-Gandolphe : Les réserves de charbon sont en effet très importantes. Elles sont estimées à 847 gigatonnes, soit 145 années de production au rythme d’extraction de 2005. Elles sont également mieux réparties à la surface du globe que le pétrole et le gaz naturel. Concernant la production, elle s’est accrue de 5 % par an en moyenne entre 2000 et 2007, ce qui est considérable, pour atteindre 6,5 gigatonnes. La Chine – premier producteur devant les états- Unis – a doublé sa production depuis 2000, et l’Inde l’a augmentée de 45 %. La Chine représente aujourd’hui 40 % de la consommation mondiale. à la différence des marchés pétrolier et gazier, une partie non négligeable de la production de charbon dans le monde est assurée par des compagnies privées internationales, rendant le marché très concurrentiel.

JDV : Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) la production de charbon va croître de 2 % par an jusqu’en 2030. Qu’en pensez-vous ?

S. C.-G. : Compte tenu de l’importance des réserves charbonnières, le potentiel d’accroissement de la production est élevé. L’AIE prévoyait dans son scénario de référence (Business as usual) que la production pourrait atteindre 10 gigatonnes en 2030. Surtout du fait de la Chine et de l’Inde. En 2007, la Chine a investi 600 millions d’euros dans la prospection et l’exploitation du charbon. Selon l’AIE, l’industrie charbonnière devra investir 730 milliards de dollars au cours des 25 prochaines années pour assurer le développement du marché. Des projets existent en Afrique : au Niger, au Nigeria, au Botswana, au Mozambique qui pourrait être exportateur dès 2010. La problématique est la capacité de l’industrie à répondre en temps et en heure à une hausse rapide de la demande. La consommation de charbon a augmenté de 36 % depuis 2000. Le charbon couvre 29 % du bilan énergétique primaire mondial. Il assure 40 % de la production d’électricité et est utilisé pour 66 % de celle de l’acier. Il faut 600 kilos de charbon à coke pour produire une tonne d’acier. Ces chiffres situent l’importance du charbon.

JDV : La Chine est le plus gros marché charbonnier du monde et le plus grand consommateur...

S. C.-G. : La Chine a plus que doublé sa consommation depuis 2000. On craignait qu’elle ne devienne un importateur net en 2008. Imaginez si ce pays importait seulement 5 % de sa demande, représentant 15 % du marché international ! Il n’en a rien été. Crise économique oblige. Pour leur part, les états-Unis consomment un gigatonne par an et l’Europe 830 millions de tonnes avec trois grands marchés : l’Allemagne, la Pologne et la Grande-Bretagne. Dans ces pays la crise est déjà ressentie. Toutefois, en Europe, 60 gigawatts de capacité thermique au charbon sont à renouveler dans les dix ans. Dans les pays émergents la demande pour générer de l’électricité est énorme. L’Inde ajoute 1 000 mégawatts de capacité de production par mois surtout basée sur le charbon. Et puis il faut compter avec la demande d’acier – plus 7 % par an –, surtout due à la Chine. Aujourd’hui, cette demande est déprimée, le prix de l’acier baisse et les sidérurgistes réduisent leur production. Les producteurs de charbon cokéfiable en font autant.

JDV : Les fondamentaux seraient-ils remis en question ?

S. C.-G. : Non, mais certainement différés. La demande électrique suit la demande économique. Le Fonds monétaire international table sur une croissance mondiale de 0,5 % en 2009. On peut donc s’attendre à une baisse conjoncturelle – à l’instar des autres énergies. L’AIE prévoyait d’ici à 2030 une hausse de la demande de charbon de 2 % en moyenne annuelle, tirée par la production d’électricité. Ces prévisions seront revues à la baisse. Malgré tout la Chine devrait doubler ses besoins en charbon et l’Inde les multiplier par 2,6. Dans les pays de l’OCDE (1) l’augmentation de la demande restera faible voire nulle.

JDV : Le charbon est consommé par les pays qui le produisent, cela explique sans doute que 16 % seulement de la production soient échangés sur le marché mondial...

S. C.-G. : C’est exact. Mais un développement du commerce international est attendu pour compenser la production européenne en déclin et répondre à la demande asiatique. Les échanges ont augmenté de 50 % depuis 2000. La concurrence est sévère entre les deux bassins Pacifique et Atlantique. Le premier se développe vite et la demande des électriciens asiatiques est telle que les acheteurs de charbon font aussi appel aux fournisseurs de l’Atlantique. L’Inde s’est tournée vers l’Afrique du Sud créant une vive concurrence avec les acheteurs européens. Les tensions sur le marché ont entraîné une envolée des prix en 2008 dans les deux bassins.

JDV : Quelle est la part de responsabilité de la hausse des taux de fret dans l’augmentation du prix du charbon importé ?

charbon1S. C.-G. : Fin 2007, une offre insuffisante de cales de navires a fait exploser les prix du fret à 50 dollars la tonne de charbon vapeur pour la route C4 Richards Bay (Afrique du Sud)-Rotterdam ! Puis les prix ont chuté en janvier 2008, sont remontés à 60 dollars en juin avant de plonger à 5 dollars en décembre ! Pendant l’été 2008 les prix du charbon importé ont reflété la baisse des frets. Mais en septembre la perte de confiance dans les marchés et le retrait des spéculateurs ont entraîné une baisse des prix Caf à moins de 100 dollars en novembre et à 75- 80 dollars en janvier 2009. La demande de charbons importés augmente sans cesse. Les échanges maritimes de charbon pourraient atteindre un gigatonne en 2010 et 1,4 gigatonne en 2020. Sur le bassin Pacifique tout dépendra de la Chine et de l’Inde. Sur le bassin Atlantique, les importations européennes vont croître légèrement pour faire face à la chute de la production surtout en Allemagne et en Pologne et alimenter les nouvelles centrales thermiques au charbon aux Pays-Bas et en Italie.

JDV : Comment l’infrastructure répondt- elle à ces accroissements ?

S. C.-G. : La première moitié de 2008 a été marquée par un sentiment de pénurie et des goulets d’étranglement pour les exportations - congestions portuaires, pas assez de cales. Les prix élevés des frets et du charbon avaient permis une reprise des investissements dans la production et l’acheminement du charbon. Plus de 1 300 Capesizes (supérieurs à 100 000 tonnes) et Panamax sont en commande dans les chantiers navals. Quant aux infrastructures portuaires d’exportation, elles devraient accroître leur capacité de 40 % vers 2009-2011. Mais aujourd’hui des investissements sont reportés ou annulés. La crise financière est passée par là. Le risque est qu’au moment de la reprise de la demande les infrastructures ne soient pas à la hauteur. Et les prix repartiront à la hausse.

(1) Organisation de coopération et de développement
économiques.
(2) Coût, assurance et frais
Propos recueillis par Dominique-J. Lefebvre

interview paru dans Le Journal du Vrac n°66: Janvier/février 2009

EDF Trading Logistics : L’avenir du charbon se joue aussi en Europe:

Le charbon aura sa place dans le tout-énergie de demain, selon EDF Trading Logistics qui livre 10 millions de tonnes de charbon par an à ses clients. Les importations européennes vont augmenter et des marchés sont à prendre.

Maurice Desderedjian, directeur général d’EDF Trading Logistics. « Nous livrons en charbon la Compagnie parisienne de chauffage urbain, des cimentiers, des grossistes. »
Maurice Desderedjian, directeur général d’EDF Trading Logistics. « Nous livrons en charbon la Compagnie parisienne de chauffage urbain, des cimentiers, des grossistes. »

L’augmentation prévisible en France de la part du gaz dans la production d’électricité, au détriment du charbon, n’inquiète pas outre mesure EDF Trading Logistics. L’entreprise française basée à Saint- Denis, près de Paris, filiale d’EDF Trading dont le siège est à Londres, a le regard qui porte loin. « Les projets de développement et de construction de centrales thermiques en Europe ne manquent pas, malgré quelques plages d’incertitudes liées à la crise économique », affirme Maurice Desderedjian, directeur général de la société. Créée en 1996 sous le nom de Capcol pour filialiser les approvisionnements d’EDF en combustibles fossiles – charbon et fuel lourd –, EDF Trading Logistics est devenue la filiale d’EDF Trading à la création de celle-ci, en 2000. « à l’époque, nous étions tenus de nous adapter à la nouvelle donne de la dérégulation du marché et de nous lancer dans le métier très anglo-saxon du trading des commodities. C’était le début de la fin des monopoles, correspondant à l’ouverture du marché pour les grands industriels comme Péchiney, Arcelor, Total, Peugeot, tous gros consommateurs d’énergie électrique. Les approvisionnements en charbon, combustible servant à produire de l’électricité, ont été placés dans la nouvelle entité. »

2,5 mégatonnes dans la zone Ara

Dans le monde, EDF Trading négocie 30 millions de tonnes de charbon. La société londonienne achète le charbon sur le marché mondial, affrète les navires qui serviront à son transport ou bien se porte acquéreur d’un charbon déjà rendu en Europe. « EDF Trading Logistics fait un autre métier, observe Maurice Desderedjian. Nous commandons le déchargement des navires. Nous nous occupons de la gestion des stocks dans les terminaux portuaires et de l’organisation du transport fluvial ou ferroviaire, voire exceptionnellement par la route. » La voie fluviale est le mode de transport préféré de l’entreprise car les volumes traités sont énormes : « Sur le port du Havre il est possible de charger deux barges de 2 500 tonnes de charbon chacune à destination de la centrale thermique d’EDF à Vitry-sur-Seine, en amont de Paris. En comparaison un train complet nous limite à un transport de 1 200 tonnes ou 1 800 tonnes de charbon quand il s’agit d’un train lourd. » EDF Trading Logistics livre au total 10 millions de tonnes de charbon par an à ses clients, dont 2,5 millions de tonnes dans la zone Amsterdam- Rotterdam-Anvers (Ara). L’entreprise assure également le transport, en France exclusivement, d’un million de tonnes de fuel lourd. Son chiffre d’affaires a atteint 150 millions d’euros en 2008. « 60 % des livraisons sont destinés aux centrales thermiques d’EDF du Havre et de Cordemais, en Loire-Atlantique – les deux plus importantes –, et de Vitrysur- Seine, dans le Val de Marne, précise Maurice Desderedjian. Nous sommes les clients de quatre grands ports français – Dunkerque, Le Havre, Nantes-Saint- Nazaire et Fos-sur-Mer – dans lesquels nous confions à des opérateur de terminal le déchargement des bateaux. Nous sommes aussi présents dans la zone Ara, la plus vaste et la plus active région portuaire d’Europe. » Chez EDF Trading Logistics, on ne croit pas à un développement en France des importations de charbon pour la production d’électricité. Le contraire pourrait même se produire. Et pour cause, la situation française, conséquence de la politique de l’énergie défendue depuis le milieu des années 70, n’est pas comparable à celle de la plupart des pays en Europe. « Un peu plus de 80 % de l’électricité consommée en France est d’origine nucléaire. Ce qui réduit la part du charbon à moins de 5 %. Donnée à mettre en parallèle avec les 40 % que cette part représente dans le monde. » D’autre part, EDF devrait arrêter la production de plusieurs de ses centrales thermiques les plus anciennes. « D’ici à 2015, huit tranches de 250 mégawatts vont fermer, confirme Maurice Desderedjian. A Bouchain (Nord), Blénod-Lès-Pontà- Mousson (Meurthe-et-Moselle), La Maxe (Moselle) et Vitry-sur-Seine. Une partie de la centrale du Havre va cesser sa production. Mais, en remplacement dans cette ville, EDF a un projet de centrale thermique d’une puissance de 900 mégawatts. » La Société nationale d’électricité et de thermique (Snet), filiale depuis juin 2008 du géant électricien allemand E.On (68 milliards d’euros de chiffre d’affaires), et cliente d’EDF Trading Logistics pour 3 millions de tonnes de charbon par an, réétudie son plan industriel. La Snet, devenue E.On France, possède quatre centrales et sept tranches thermiques dans l’Hexagone, à Hornaing (Nord), Saint-Avold (Moselle), Montceau-les-Mines (Saône-et- Loire) et Gardanne (Bouches-du-Rhône) représentant une puissance totale installée de 2 500 mégawatts.

Début février 2009, le Grand Port Maritime de Rouen accueillait le vraquier battant pavillon panaméen China Steel Responsibility. Ce navire offre un port en lourd maximal de 175 775 tonnes. Il a déchargé plus de 57 000 tonnes de charbon embarquées à Puerto Drumond (Santa Marta/Colombie) et destinées aux centrales EDF de la région parisienne.
Début février 2009, le Grand Port Maritime de Rouen accueillait le vraquier battant pavillon panaméen China Steel Responsibility. Ce navire offre un port en lourd maximal de 175 775 tonnes. Il a déchargé plus de 57 000 tonnes de charbon embarquées à Puerto Drumond (Santa Marta/Colombie) et destinées aux centrales EDF de la région parisienne.

L’Allemagne importatrice

Dans ce contexte, EDF Trading Logistics a de bonnes raisons de s’intéresser à l’Europe et au-delà. Le charbon assure la moitié de la production de l’électricité européenne et tout laisse penser que ses importations vont s’accroître. Les réserves de charbon s’épuisent, les questions déterminantes de sa qualité et de ses coûts de production sont posées. « L’Allemagne pourrait devenir importatrice de charbon une fois qu’elle aura cessé de subventionner sa production nationale. à quelle échéance ? nous ne le savons pas. La Pologne a déjà commencé à acheter du charbon sur le marché mondial. Pour le moment les fluctuations sont de faible ampleur, mais ça va changer. » EDF Trading Logistics a signé des partenariats hors d’Europe, avec l’électricien japonais Chubu, et cherche à entrer sur le marché des états-Unis. Au siège de l’entreprise à Saint-Denis, la conviction est faite que le charbon aura sa place dans le tout-énergie de demain. « à condition que nous ayons réglé les problèmes posés par les émissions de CO2 et que nous sachions utiliser le charbon proprement. Du temps sera nécessaire, sans doute, mais nous y arriverons. »

Atic Services : la logistique du charbon sur le bout des doigts

L’augmentation de la consommation mondiale de charbon et de son transport – de l’ordre de 25 % ces cinq dernières années – offrent de nouvelles opportunités à une entreprise de logistique maritime et terrestre des vracs secs comme Atic Services. Son chiffre d’affaires a atteint 350 millions d’euros en 2008.

Pierre Guérin, directeur général d’Atic Services. « Le charbon n’est pas une arme énergétique comme d’autres matières premières, derrière lesquelles il y a des états. »
Pierre Guérin, directeur général d’Atic Services. « Le charbon n’est pas une arme énergétique comme d’autres matières premières, derrière lesquelles il y a des états. »

Dans le contexte actuel, marqué par une tendance à un accroissement de la demande de charbon, « notre originalité réside dans notre capacité à être présents à tous les niveaux de la chaîne logistique, du producteur à l’utilisateur, souligne Pierre Guérin, directeur général d’Atic Services « du sourcing à la livraison à l’usine, en passant par le transport maritime et fluvial, la manutention, le stockage et le contrôle de qualité. » Après avoir été connue pendant cinquante ans sous le nom d’Atic (Association technique de l’importation charbonnière), l’entreprise s’est transformée en société de droit privée et a ajouté Services à son nom.

Des logisticiens, pas des commerçants

Aujourd’hui, le groupe Atic Services se présente comme un des leaders européens dans la prestation de services associés à l’activité charbonnière et à la logistique du vrac. Le chiffre d’affaires du groupe a été multiplié par deux ces cinq dernières années pour atteindre 300 millions d’euros en 2007. En 2008 il pourrait dépasser 350 millions d’euros. L’entreprise emploie près de 1 200 personnes dans onze pays en tenant compte des sociétés dans lesquelles elle détient une participation. Trois grands actionnaires contrôlent le groupe : Arcelor Mittal, à hauteur de 42 %, EDF Trading (34 %) et Total Coal au travers de CDFE (19 %). « Nous sommes des logisticiens, pas des commerçants du charbon ou des producteurs. Autrement dit, on ne s’occupe ni de son extraction, ni de sa combustion », confirme Pierre Guérin. Depuis 2005 le groupe s’est organisé autour de cinq pôles d’activités. Le pôle sourcing est entre les mains de deux filiales d’ATIC Services : SCI (Saar Coal International) basée à Sarrebruck, en Allemagne, et BBCT, société belge à Anvers. Il a représenté 3 millions de tonnes de charbon en 2008 : « BBCT est l’agent de Peabody et d’Anglo pour l’approvisionnement en charbons australiens en Europe. SCI importe des charbons et des cokes pour les centrales thermiques et les fonderies allemandes. Elle est l’agent pour l’Europe d’Arch Coal, l’un des grands producteurs de charbon aux états-Unis. SCI exploite à Karlsruhe, sur le Rhin, un chantier charbonnier intéressant pour les marchés de l’Allemagne du Sud. Parmi nos clients il y a EDF Trading, Electrabel, GKM, tous producteurs d’électricité. Nous travaillons avec les sidérurgistes et les producteurs européens de coke Arcelor Mittal, Cokes de Carling, Dillinger Hütte, Evonik. » Dans le secteur de la logistique maritime, Acti Services intervient directement avec deux autres sociétés. Cita Logistics, filiale à 100 % du groupe, établie à Norfolk (Virginie) sur la côte est des Etats-Unis, remplit une mission de back office. Elle gère 10 millions de tonnes par an. BMA (Bulk Maritime Agencie), à Rotterdam, est une agence de consignation en mesure d’assurer la gestion du réacheminement des cargaisons du port vers les usines, filiale à 50 % d’Atic Services. « Notre offre est intéressante. Les agences que nous avons dans les pays exportateurs créent une proximité qui facilite le pré-acheminement de la mine au port de chargement. Nous sommes une des rares sociétés à proposer cette prestation. Nous faisons aussi le part-cargo, une formule de transport partagé. Les clients achètent des cales sur des navires que nous affrétons. Cela leur évite de supporter la charge de tout un bateau. Nous fournissons aussi le back office ; nous pouvons grâce à BMA être agent consignataire dans la zone Ara – ndlr, Amsterdam, Rotterdam, Anvers.

Une référence européenne

Dans la logistique fluviale, Atic Services assure une activité proche de 20 millions de tonnes transportées. Ses prestations, via sa filiale Compagnie française de navigation rhénane (CFNR), et la filiale belge de celle-ci – Somef, à Liège –, englobent les opérations de chargement et de déchargement des navires et barges dans les ports maritimes et fluviaux, le transport fluvial, la gestion des stocks, les livraisons et les approches terrestres. Le réseau de la CFNR et de ses filiales dans le bassin du Rhin est un atout pour Atic Services. « La CFNR a une longue présence en Alsace, en Lorraine, dans la Sarre et les régions d’Anvers et de Rotterdam. Le rachat de Somef lui a apporté une référence européenne dans la logistique industrielle intégrée, axée sur la voie d’eau. Sur son site de Liège-Monsin, Somef est un acteur majeur de la trimodalité eau-rail-route. » Atic Services affirme tenir une position de leader dans la manutention de vrac dans deux grands ports français – Dunkerque et Fos-sur-Mer – et dans la zone Ara. Les ports jouent un rôle clé dans la chaîne logistique du charbon : « Nous sommes compétents dans l’exploitation de grues flottantes, la manutention de produits sidérurgiques et la gestion du plus grand terminal européen de vrac, à Rotterdam. Les plus gros consommateurs de charbon et de minerais en Europe sont nos clients sur les terminaux des Pays Bas : Arcelor Mittal, Dillinger Hütte, EDF, Nuon, Oxbow ou encore Essent. » Au travers de la holding Manufrance portant les participations d’Atic Services dans les ports néerlandais, des investissements conséquents ont été réalisés. à Rotterdam, la construction du plus grand terminal charbonnier d’Europe (Europort, 60 millions de tonnes de vrac) a été menée à son terme. Il peut accueillir des navires jusqu’à 23 mètres de tirant d’eau. à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), Arcelor Mittal a confié à Atic Services, via la société Somarsid, l’externalisation des opérations portuaires de son usine sur le quai minéralier – location des portiques, intervention dans les cales des navires –, et sur le quai aux aciers. A Dunkerque, avec sa filiale STE, Atic Services exploite le terminal de l’Escaut, quai des produits d’Arcelor Mittal et de Dillinger Hütte – bobines, brames, plaques – en arrivée et en partance par voie maritime ou fluviale. En 2007, le terminal de Dunkerque a reçu un nouveau portique pour les caboteurs et les barges.

charbon 6Projet en Chine

Dans le domaine des contrôles de qualité Atic Services échantillonne manuellement les charbons et minerais et assure le jaugeage des barges. Elle réalise l’estimation des stocks et peut intervenir sur leur cubature ce qui sécurise les nouvelles filières d’approvisionnement. L’entreprise effectue sur site les analyses de granulomètrie et d’humidité. « Le contrôle technique est devenu capital. Les matières premières sont chères, les clients ont de nouveaux besoins, observe Pierre Guérin. Cela nous a conduit à regrouper nos prestations de contrôle en Europe au sein de Socor et Bulk Testing International (BTI). » Socor, basée à Douai (Nord), est spécialisée dans l’analyse des combustibles d’origine fossile (charbons, pétrole), de la biomasse et des déchets. Le laboratoire de Socor étudie les conséquences de la combustion des matières premières : cendres, mâchefers, eaux résiduelles, gaz et fumées. BTI exerce son expertise dans le contrôle de qualité des minerais en vrac. La société est présente au Havre, à Rouen, à Dunkerque, à Montoir (Loire-Atlantique), à Fos-sur-Mer, et en Pologne. « Nous avons toujours eu une vocation internationale et nous allons poursuivre dans cette direction, observe Pierre Guérin. Tout en restant fidèle à notre expertise de logisticien dans la chaîne du vrac, surtout charbonnière. » Atic Services devrait développer son activité dans tous ses métiers à l’exception du sourcing, « une spécialité dans laquelle on finit par devenir trader, ce que nous ne voulons pas ». L’entreprise annonce des projets dans la logistique portuaire. Très implantée aux Pays-Bas, elle regarde vers la France – Le Havre – et ailleurs. L’Allemagne et la Pologne vont développer leurs importations de charbon. Atic Services évoque un projet avec un logisticien portuaire chinois. L’Asie, première région productrice et consommatrice de charbon, intéresse le groupe au plus haut point. Des opportunités existent dans la manutention dans des ports où les entreprises ne se sont pas assez diversifiées. « Sur une logistique complète notre groupe peut intervenir dix fois grâce à nos cinq divisions », résume Pierre Guérin. En 2009, Atic Services devrait prendre des participations dans des sociétés de son domaine d’activité. Tout en restant attentif aux conséquences de la crise économique et financière sur les marchés, les prix et les investissements. Seule certitude : « Il devrait y avoir de plus en plus de charbon sur le marché mondial ».

Enquête de Dominique-J. Lefebvre

paru dans Le Journal du Vrac n°66, Janvier/février 2009.