Frédéric Croix : « Notre force, c’est notre réactivité »

Le 02/04/2010 à 9:59 par La rédaction

La fabrication de produits spécifiques dans le domaine des vracs secs nécessite parfois un process de fabrication adapté. C’est sur ce créneau et plus spécialement dans les domaines de l’alimentaire et du petfood que la société Croix s’est faite un nom. Avec deux spécialités : le sur mesure et la réactivité. Frédéric et Jean-Charles Croix nous présentent cette entreprise qui passe les générations.

Le Journal du Vrac : La société Croix a un long passé dans l’univers des vracs solides. Quand a commencé son histoire ?

Frédéric Croix : L’origine de l’entreprise remonte à 1850 avec la fabrication de moulins à vent et de moulins à eau. Ce savoir faire à d’ailleurs pu être conservé et transmis et cette activité perdure toujours dans la famille, puisque nous avons un cousin qui continu ce métier de réhabilitation de moulins. C’est en 1955 que les deux frères Croix ont choisi de se diversifier, l’un demeurant sur l’activité traditionnelle des constructions en bois, tandis que l’autre, notre père, s’est orienté vers la fabrication de silos et de matériels de manutention métalliques.

JDV : Deux orientations bien distinctes ?

Jean-Charles Croix : Oui. Bien que les deux frères soient sur le même site à cette époque, ils avaient des activités bien séparées.

JDV : Quand votre entreprise spécialisée en chaudronnerie a débuté son activité en 1955, à quel type de clientèle s’est-elle adressée ?

Frédéric Croix : Sa première vocation a été d’assembler et d’installer des matériels tels que brosses à blé, planchisters ou appareils à cylindres à destination de la minoterie. L’entreprise travaillait alors beaucoup pour la société angevine Schneider-Jacquet qui concevait ces matériels. Ce n’est que plus tard, vers 1965, que Croix s’est orientée vers la conception et la fabrication de manutention proprement dite et s’est installée en 1970 dans les ateliers que nous occupons actuellement à Candé.

JDV : Combien de personnes travaillaient alors dans vos ateliers ?

Frédéric Croix : Un peu moins de 20 personnes dont une personne au Bureau d’études.

Jean-Charles Croix : à cette période, le personnel fabriquait le matériel en atelier durant l’hiver et le montage des centre de collecte pour le stockage des céréales s’effectuait durant l’été.

JDV : La fabrication portait principalement sur les centre de collecte ?

Jean-Charles Croix : Oui, des silos de petite taille. Croix travaillait beaucoup avec la société Privé fabricant de silos. Nous travaillons d’ailleurs toujours avec cette société. Une bonne partie des commandes consistait à équiper des centres de collecte de céréales pour les coopératives et les négociants des Pays de Loire et de Bretagne disséminés dans les zones de cultures et qui servaient de points de stockage intermédiaires.

JDV : Cette période consacrée aux silos n’a pas duré toujours ?

Frédéric Croix : Non. à partir de 1977, l’entreprise a débuté la fabrication d’équipements destinés aux usines d’aliment du bétail. Principalement des élévateurs à godets, des redlers, des convoyeurs à vis, des transporteurs à bande ainsi que les accessoires de manutentions tels que les distributeurs revolver, les trémies de réception vrac, les cellules de stockage intermédiaire et les premiers systèmes de dosage.

JDV : à chaque fois, de la fabrication sur mesure ?

Frédéric Croix : à l’origine, ces équipements étaient relativement standards et également réalisés par nos confrères ou concurrents mais c’est à partir de cette période que nous avons souhaité nous différencier et apporter à nos clients un service vraiment personnalisé en fabriquant du matériel sur-mesure.

JDV : Ce choix répond aux attentes d’un segment de marché sur lequel vous désirez vous positionner ?

Frédéric Croix : Oui. Ce positionnement nous permet de travailler pour des grands groupes de l’agroalimentaire qui portent les noms de Mars, Lactalis, Danone, Nestlé, Fleury-Michon, Bel, Entremont...

JDV : Vous êtes très présent dans le secteur laitier ?

La société Croix est très présente dans le domaine de la fabrication de poudre de lait.

Frédéric Croix : Oui, dans le secteur laitier, mais aussi le sucre avec Téréos par exemple, ou d’autres sucriers indépendants. Nous travaillons également pour des biscuitiers comme BN, Lu, Biscuiteries saint Michel, etc...

JDV : Vous êtes donc présents sur des domaines bien précis ?

Frédéric Croix : Notre métier aujourd’hui, c’est de faire des installations sur-mesure pour tout ce qui concerne les produits secs dans l’industrie alimentaire, c’est-à dire : les poudres, les granulés, les pulvérulents... Nous ne traitons pas de produits pâteux ni de produits liquides. Les produits traités vont des poudres de lait aux préparations de soupes déshydratées, en passant par toute une série de poudres déshydratées. En 1977, l’entreprise dirigée alors par mon père s’est orientée sur l’alimentation animale, puis vers 1990, nous nous sommes orientés plus spécifiquement vers l’alimentation humaine en élargissant nos compétences vers le cacao, le sucre, les biscuits...

JDV : Quel pourcentage représente aujourd’hui l’alimentation humaine dans votre activité ?

Frédéric Croix : Environ 65 % avec des variantes selon les années. Nous avons également conservé un savoir-faire dans le domaine de l’alimentation animale, mais qui est plus orienté petfood (chiens, chats, poissons) et aussi aliments pour chevaux. Nous travaillons soit pour des groupes importants, soit pour des entreprises indépendantes spécialisées sur une niche de marché.

Frédéric Croix Pdg et son frère Jean-Charles Croix Responsable commercial.

Jean-Charles Croix : Dans ce deuxième cas, il s’agit souvent de sociétés qui se spécialisent sur un créneau qu’elles sont les seules à maîtriser. Dans ce cas, l’entreprise fait évoluer son produit pour répondre à la demande des consommateurs et doit parallèlement faire évoluer ses machines pour s’adapter à cette nouvelle demande. Elle fait appel à nous car nous avons les compétences en bureau d’études et les équipements nécessaires en atelier pour concevoir en fonction des besoins du client. Notre force est notre capacité à nous adapter. Généralement le client nous pose le problème en nous expliquant ses nouvelles contraintes et il nous demande si nous sommes capables de répondre par un matériel adapté. Si la réponse est positive, la prise de décision est généralement rapide. Le nouveau produit est annoncé et notre client nous demande de réagir très vite pour lui fournir le matériel ou la ligne de production adaptée à ce nouveau marché.

JDV : Vous prenez alors le risque de vous lancer dans un défi dont vous ne connaissez pas l’issue ?

Jean-Charles Croix : Quand nous acceptons de prendre une commande, nous savons que nous pouvons la réaliser. Nous avons la réputation d’être honnête et il peut nous arriver de refuser de prendre une commande si nous estimons qu’elle ne correspond pas à notre savoir-faire. Nous travaillons en partenariat avec nos clients car leur savoir faire est spécifique et nous allons jusqu’au bout de notre engagement.

Frédéric Croix : Notre métier est ciblé sur les matériels destinés aux produits secs et uniquement en sur-mesure. En fonction du cahier des charges de notre client, nous allons lui étudier une ligne qui lui est spécifique en tenant compte de la configuration des locaux, des matériels déjà en place... car si parfois l’implantation s’effectue dans des locaux neufs, bien souvent la nouvelle installation devra tenir compte des lignes existantes.

JDV : Avez-vous une activité à l’export ?

Frédéric Croix : Oui. Elle n’est pas très importante et provient essentiellement de certains de nos clients qui ont eux-mêmes une activité à l’export. Ce marché de l’exportation représente 15 à 20 % de notre CA les meilleures années.

JDV : Il y a une véritable fidélisation de vos clients ?

Frédéric Croix : C’est effectivement une de nos grandes fierté ; nous sommes appréciés des grands groupes, car nous pouvons leur garantir des résultats. Nous avons des références et ils savent que quand ils nous confient une installation, elle leur sera livrée en bon état de fonctionnement.

Jean-Charles Croix : Nous avons une petite structure donc nous sommes des interlocuteurs faciles à contacter. Nous sommes réactifs et les décisions peuvent être prises rapidement. C’est d’ailleurs un atout qui joue en notre faveur puisque parfois notre client a déjà fixé la date de mise sur le marché de son nouveau produit, alors que l’installation pour le fabriquer n’est pas encore créée.

JDV : C’est un atout indéniable

Ensachage de big-bag suspendu pour éviter tout risque de contamination avec la palette.

Jean-Charles Croix : Notre réactivité, la confiance qui existe entre nous et nos clients et le fait que nous soyons bien placés en terme de prix sont des atouts qui jouent en notre faveur. Sans compter que pour chaque projet, ils auront face à eux toujours le même interlocuteur, un des projeteurs qui travaillent dans notre bureau d’étude. Ce projeteur effectue le suivi du projet du début de l’étude jusqu’à la mise en route.

JDV : Combien avez-vous de projeteurs ?

Frédéric Croix : Le Bureau d’études est composé de cinq projeteurs (Ingénieurs ou Techniciens supérieurs avec formation maison).

JDV : Votre prise de fonction effective à la tête de l’entreprise date de quand ?

Frédéric Croix : Je suis entré dans l’entreprise en 1982 et j’ai repris les rênes en 1994 et mon frère Jean-Charles a rejoint en 1990.

JDV : Le passage du témoin s’est effectué sans problème ?

Frédéric Croix : Cela a effectivement un grand plaisir de travailler avec notre Père, passionné par la technique et commerçant dans l’âme, il m’a laissé très tôt toute la partie consacrée à la gestion financière et à la gestion du personnel puis je me suite ensuite consacré également à la partie technique qui correspond à ma formation d’origine et à notre raison d’être.

JDV : Combien de personnes travaillent aujourd’hui dans l’entreprise ?

Frédéric Croix : 38 personnes. C’est un nombre relativement stable depuis plusieurs années. Les personnes sont fidèles à l’entreprise.

JDV : Comment se répartissent les fonctions ?

Frédéric Croix : Nous sommes trois à travailler en pré étude avant la prise de commande. Ensuite, il y a cinq personnes au bureau d’études, puis une vingtaine de personnes dans l’atelier et enfin neuf personnes au montage.

JDV : Comment s’effectue l’approche commerciale ?

Jean-Charles Croix : Généralement c’est le client qui nous contacte parce qu’il a un projet.

JDV : Vous ne faites aucune démarche commerciale ?

Préparation des pièces dans les ateliers de Candé dans le Maine et Loire.

Jean-Charles-Croix : Nous faisons quelques salons pour nous faire connaître, mais c’est toujours nos clients qui nous appellent pour nous présenter leur projet. Ensuite nous nous déplaçons sur leur site, nous devons être attentifs à leur besoin, analyser et proposer des solutions qui tiendront compte à la fois de leurs attentes, des réalités du terrain et du budget dont ils disposent.

JDV : Ce travail en amont prend du temps ?

Frédéric Croix : C’est un vrai partenariat avec nos clients ; leur projet peut mûrir pendant un an comme être décidé très rapidement.

JDV : Avez-vous une visibilité à long terme sur votre carnet de commandes ?

Frédéric Croix : Non puisque notre force est de réagir très rapidement ; nos commandes sont en général réalisées sur deux à trois mois. Mais nous avons aussi des pré études qui visent une exécution six mois plus tard.

JDV : Ce n’est pas évident d’avoir si peu de visibilité surtout dans des périodes comme maintenant où l’activité est en baisse.

Frédéric Croix : En réalité, nous avons toujours eu une bonne charge de travail. 2008 a été une excellente année, 2009 une année un peu plus difficile à gérer mais avec des résultats corrects et nous n’avons pas d’inquiétude pour 2010 qui se présente bien.

JDV : Vous arrivez à ressentir les tendances avec suffisamment de justesse ?

Frédéric Croix : Oui. Il était évident que 2009 serait plus compliquée que l’année précédente, mais nous sommes une petite société et il nous est assez facile de nous adapter aux soubresauts de l’activité.

Jean-Charles Croix : Nous savons que des investissements restés en suspend vont pouvoir être réalisés en 2010. Nous avons la chance de travailler majoritairement pour le secteur alimentaire qui n’a pas été autant touché que d’autres.

JDV : Pour ces projets vous retrouvez toujours les mêmes concurrents en face de vous ?

Frédéric Croix : Nous retrouvons les mêmes par domaine d’activité. Ce ne seront donc pas systématiquement les mêmes selon que l’on réponde à un appel émanant du secteur du petfood, du cacao, du lait en poudre...

JDV : Ils peuvent être français et étrangers ?

Frédéric Croix : Oui les deux. Mais il n’y a aucun concurrent que l’on retrouve systématiquement sur tous nos marchés.

Jean-Charles Croix : Il n’y a pas systématiquement des concurrents. Pour nombre de projets nous travaillons en partenariat avec nos clients. Nous faisons évoluer leurs outils de production et faisons évoluer les nôtres pour répondre à leurs attentes.

Frédéric Croix : Il y a une relation de confiance, car lorsque nous travaillons avec un client qui met au point un procédé, nous sommes respectueux de son savoir-faire et de ses secrets de fabrication. En revanche, nous bénéficions d’un transfert de savoir faire d’un métier à l’autre qui nous aide à comprendre la raison du comportement de certaines poudres. Pour nous la finalité, c’est que le projet soit réussi et que chacun soit satisfait du résultat.

JDV : Vous même vous investissez dans votre outil de production ?

Jean-Charles Croix : Oui nous avons effectué des investissements importants dans des outils de découpe laser ou des machines à commande numérique pour pouvoir répondre rapidement aux besoins de nos clients et concevoir les installations sans avoir recours à des sous-traitants. Cette approche nous permet une meilleure réactivité, nous pouvons ainsi fabriquer une pièce instantanément et la mettre à la disposition de notre client dans les meilleurs délais.

Frédéric Croix : Toujours par souci de réactivité, le personnel de l’entreprise est très adaptable. Si, pour répondre à une demande urgente, toutes les compétences doivent être mobilisées sur un projet, chacun s’adapte pour traiter l’urgence en priorité. Notre métier n’est pas un métier de routine. Les salariés de l’entreprise sont responsables, autonomes et polyvalents.

JDV : Comment se présente l’avenir de Croix ?

Frédéric Croix : Nous nous intéressons à certains marchés proches du domaine alimentaire et qui utilisent des process similaires. Nous devons nous démarquer de nos concurrents en étant capable de répondre au plus près à la demande de nos clients. Il faut croire que nous y réussissons pas mal, puisque quand nous entrons dans une nouvelle société, dans plus de 90 % des cas, nous continuons de travailler avec elle sur d’autres projets.

Propos recueillis par Gaël d’Argentré

Interview paru dans Le Journal du Vrac n°71: Janvier/février 2010