Vitalac Biotech mène depuis un an, au sein des installations Sea Invest de Montoir-de-Bretagne (44), un essai de maîtrise des risques de contamination des matières premières stockées en zone portuaire. Un enjeu qui revêt une importance capitale pour garantir la sécurité sanitaire, la conformité réglementaire et la qualité des produits destinés aux chaînes d'approvisionnement nationales et internationales.
À l’échelle mondiale, les règlementations imposent l'absence de salmonelles dans 25 g d’échantillon de matières premières ou d’aliments finis, afin de garantir la sécurité alimentaire et éviter tout risque de contamination humaine ou animale. « Cela concerne le contenu mais pas le contenant », précise Christophe Michaut, responsable marché acidifiant et aquaculture chez Vitalac Biotech. Ainsi, « il n’existe aucune règle édictée pour les bâtiments portuaires », alors que ces zones, impliquant le stockage et le transit de grandes quantités de matières premières, « sont exposées à des risques accrus de contamination par des agents pathogènes ». Une contamination peut bloquer un Panamax de 60000 t, entrainer une paralysie des installations portuaires, une suspension des déchargements, pouvant aller jusqu’à une rupture en protéines dans les entrepôts et un défaut de disponibilité des marchandises destinées aux chaines d’approvisionnement nationales ou internationales. « Cela peut représenter des sommes colossales ». Outre l’impact financier, cela peut « affecter l’intégrité des produits, la sécurité sanitaire et poser des menaces pour la santé publique. Il y a un côté « maladie honteuse ». Tout le monde cherche un fautif : avec notre solution, ça ne sera pas le bâtiment portuaire ! » Vitalac Biotech, société dédiée à la sécurisation sanitaire de la filière nutrition animale et l’opérateur portuaire Sea Invest ont initié, début 2024, un essai grandeur nature visant à développer une méthodologie efficace de gestion et de maîtrise des risques de contamination des matières premières stockées en zone portuaire.

Une flore de barrière lactique
À Montoir-de-Bretagne, en Loire-Atlantique, Sea Invest dispose de 170000 tonnes de capacité de stockage. L'opérateur a la charge du transit des produits vracs du terminal. « Montoir est le premier port en volume pour l’agroalimentaire, avec 2,3 millions de tonnes de matières premières qui y transitent chaque année. 80 % de nos flux sont pour l’alimentation animale. Nous réceptionnons principalement des protéines : environ 1,6 Mt de tourteaux de soja, colza et tournesol », renseigne Jean-Baptiste Lemenager, directeur Adjoint transit-exploitation, en charge entre autres du suivi sanitaire et de l’entretien des infrastructures. Les tourteaux sont particulièrement exposés au risque de recontamination en raison de leur schéma de production. Ce risque est encore accentué en cas d’importation par voie maritime, notamment lors du déchargement des navires et du stockage à terre. Pour s’en prémunir, « nous appliquions jusqu’à présent, dans le cadre de notre démarche HACCP, une procédure de nettoyage stricte des cases de stockage (raclage, soufflage, balayage et aspiration) entre chaque vide pour plein. Nous réalisions aussi un contrôle des salmonelles : dix points de prélèvement par case, analysés par le laboratoire Inovalys. » Au total, Sea Invest compte à Montoir 32 cellules de 6000 à 13000 t, réparties dans huit bâtiments.
Vitalac Biotech vient renforcer la démarche, avec une nouvelle étape d’hygiénisation. Après dépoussiérage et nettoyage, une solution décontaminante est sprayée sur les murs et le sol. « Pendant le Covid, nous avons eu l’agrément pour produire du gel hydroalcoolique, rappelle Christophe Michaut. Nous réutilisons ce savoir-faire, couplé à un acidifiant pour se prémunir des recontaminations. Nous colonisons ensuite les lieux avec une flore de barrière lactique, issue du monde du fromage. » Dans les entrepôts, « l’eau est un ennemi. Mais il y a toujours des phénomènes de condensation, qui créent des points humides où les salmonelles peuvent se multiplier, explique Christophe Michaut. Les bactéries acidophiles vont se développer sur ces points humides, ne laissant plus de place aux salmonelles. C’est une juxtaposition d’idée de bon sens ! » Jean-Baptiste Lemenager se réjouit de l’aspect « responsable » de la flore de barrière: « c’est une solution qui s’inscrit sur le long terme. »
L’essai a été mené, durant un an, dans une cellule de stockage de 9000 tonnes, avec 1500 m2 au sol et 1000 m2 de parois verticales. Le premier traitement a eu lieu en février 2024. Au total, cinq traitements ont été effectués sur douze mois, en tenant compte des rotations de stockage (40 à 45 jours en moyenne par lot de marchandise). « Nous recevons quasiment du monoproduit, du tourteau de soja, la rotation est donc rapide », indique Jean-Baptiste Lemenager. « Le défi réside dans l’efficacité de l’hygiénisation tout en garantissant une rapidité de traitement pour que le bâtiment reste vide le moins de temps possible », complète Christophe Michaut.

L’ensemble des opérations a été réalisé par les salariés de Sea-invest, « très impliqués dans la mise en place de ce test, souligne Jean-Baptiste Leménager. Ils ont une part active et sont un maillon essentiel de la chaine. » En mode manuel, cinq jours ont été nécessaires pour traiter la cellule test. Les pulvérisations ont été réalisées « à la canne de nettoyage » et chaque traitement a nécessité environ une tonne de produits. Pour mieux observer l’effet des traitements, Sea-invest et Vitalac ont choisi de suivre les niveaux de contamination en entérobactéries totales (dont la présence est permanente) et en salmonelles, dont la présence relève de l’accident. « On pense que 1 % des lots de soja conventionnels et 3 à 4 % des lots bio sont contaminés », renseigne Jean-Baptiste Leménager.
Des résultats au-delà des attentes
Les résultats de cet essai, présentés le 8 avril dernier, « sont très bons, meilleurs qu’imaginés au départ », se satisfait Jean-Baptiste Lemenager. Sur les cinq rotations et les neuf points de prélèvement analysés avant et après traitement, le nombre d’entérobactéries totales est réduit de 3 à 5 log en nombre d’UFC par écouvillon. Leur présence passe ainsi de quelques dizaines de milliers d’entérobactéries à moins de 900 ou moins de 230 (limite de détection du laboratoire agréé). Sur les salmonelles, seul un cas positif (non soumis à déclaration) a été identifié. Après traitement, les salmonelles n’étaient plus détectables. « Ces résultats prouvent de manière incontestable que nous avons réussi à maitriser les risques bactériens, notamment Salmonelles, appuie Christophe Michaut. L’essai est extrêmement vertueux. Nous arrivons avec une solution assez révolutionnaire, qui va faire progresser toute la profession, au service de la société. »
Désormais, le travail continue pour automatiser l’hygiénisation et industrialiser la méthode de dispersion, afin d’« être plus performant sur la procédure et l’intégrer dans l’exploitation globale du site ». Après cet essai concluant, Sea-invest envisage d’appliquer ce protocole à l’ensemble de ses entrepôts: « c’est un investissement mais il reste réaliste », affirme Jean-Baptiste Leménager. Pour l’instant, les coûts ont été évalués 0,64 €/tonne stockée. Mais si ces traitements deviennent systématiques, ils pourront être mieux programmés, organisés et appuyés par des technologies d’application qui devraient en réduire les coûts en produits et en main d’œuvre. L’objectif, pour Vitalac Biotech est « d’aller vers la généralisation à tous les ports européens ».
Ermeline Mouraud avec Catherine Perrotc