Ineris : Réussir son stockage ATEX en big bags

Le 07/12/2023 à 9:00 par La Rédaction

Risques industriels

Les big bags sont largement utilisés pour conditionner, stocker et transporter les produits granulaires en vrac. Ces produits sont eux-mêmes sujets à poser, dans de nombreuses situations, la problématique ATEX et quelquefois à être déconditionnés de leur emballage big bags dans les zones ATEX. Il est donc indispensable de maîtriser les risques liés à la principale source d'inflammation potentielle de ces ATEX, associée aux charges électrostatiques capables de mettre feu à ces ATEX et de générer une explosion dans l'installation. Mickaël Stouvenel, expert à l'Ineris, nous aide à y voir plus clair.

 

POURQUOI LE CONDITIONNEMENT/ STOCKAGE ATEX DE PRODUITS EN VRAC EN BIG BAGS EST-IL SI DANGEREUX ?

Michaël Stouvenel : Le conditionnement/stockage en big bags des matières premières en vrac est aujourd'hui très répandu en milieux industriels. Il existe toutefois des risques importants lorsque le stockage et la manutention sont réalisés en zone ATEX. D'abord, des risques de développement et d'accumulation de charges électrostatiques liés aux opérations de remplissage et à la vidange des big bags sont identifiés. Ensuite, les dysfonctionnements lors de ces opérations doivent être pris en compte, comme les risques de fuites ou de chutes des big bags : la poussière peut rapidement s'accumuler dans les entrepôts et, lorsqu'elle est mise en suspension, générer des nuages de poussières ATEX. Les industriels doivent utiliser des solutions spécifiques et adapter leurs pratiques.

POUVEZ-VOUS REVENIR SUR LA NOTION DE CHARGE ÉLECTROSTATIQUE ?

M. S. : Lorsque deux matériaux de préférence de nature différente sont mis en contact, un phénomène d'équilibre des charges s'opère. Plus il y aura de contacts intenses et réguliers entre les surfaces de ces matériaux, plus il y aura de génération et de montée en quantité de charge électrostatique. Une fois qu'un matériau acquiert la charge élec- trostatique, soit il la stocke, soit il la libère, et cela dépend de sa nature plus ou moins antistatique. Lorsque le matériau est conducteur, comme l'acier, la charge a tendance à se libérer rapidement et dans ce cas une mise à la terre est indispensable pour neutraliser la charge électrostatique. C'est d'ailleurs pour cette raison que les canalisations de transfert de produits inflammables d'un site industriel sensible sont toujours mises à la terre : la charge électrostatique est automatiquement évacuée. Ainsi, s'il n'y a pas d'accumulation de charge électrostatique, il n'y aura pas de risques de génération de décharge électrostatique dans ses divers types d'« étincelle ».

CONCRÈTEMENT, QUELS SONT LES RISQUES LORS DU STOCKAGE EN BIG BAGS ?

M. S. : Lors des opérations de remplissage ou de vidange des big bags, nous assistons à un contact/ frottement des poussières avec la paroi du contenant. Les deux matériaux en contact, que sont le big bag et la poussière, vont générer des charges électrostatiques : le big bag, qui est bien souvent conçu en toile polypropylène (PP), va progressivement se charger en électricité statique et, lorsqu'il sera suffisamment saturé, se déchargera. Si la décharge a lieu près d'un nuage de poussière, elle pourrait générer une explosion ATEX tenant compte bien évidemment de l'énergie de la décharge et de celle nécessaire pour mettre feu à la poussière en nuage. Un autre phénomène moins bien connu peut être provoqué : la charge peut se neutraliser à travers son rayonnement dans l'environnement du big bag et peut ainsi charger par influence tous les éléments qui se trouvent à proximité du big bag.

Phénomène d’adhésion de pulvérulents.

QUELS SONT LES DIFFÉRENTS TYPES DE BIG BAGS CAPABLES DE RÉPONDRE À CES CONTRAINTES ?

M. S. : Afin de maîtriser les risques électrostatiques,différents types de big bags existent sur le marché. D'abord, le big bag de type A est un contenant souple en polypropylène classique qui est utilisé lorsque les poussières ne sont pas inflammables. Si l'utilisation n'est pas faite en zone ATEX, le seul effet pourrait être de provoquer une légère décharge désagréable pour l'opérateur. Bien que les explosions de poussière soient évitées lors du remplissage ou de la vidange du big bag, il faut toutefois rester vigilant puisqu'une décharge générée dans l'air pourrait enflammer des ATEX environnants, par exemple un solvant présent dans la cuve ou le réacteur de réception du produit déconditionné du big bag, renversé, ou une fuite de gaz. Les big bags de type B en polypropylène disposent quant à eux d'un revêtement interne spécifique qui permettra de dissiper les charges. L'intérêt est de pouvoir les utiliser lorsque des poussières peu sensibles vont générer des risques ATEX : ces big bags peuvent être utilisés lors d'énergie minimale d'inflammation (EMI) supérieure à 3 millijoules. Si les poudres sont très sensibles, il sera nécessaire d'utiliser un big bag de type C ou de type D. Le big bag type C en polypropylène dispose d'un maillage de fils conducteurs dans sa structure, ce qui permet de dissiper de manière instantanée les charges électrostatiques. La seule contrainte à respecter pour ce type de big bag est de réaliser une mise à la terre avant chaque utilisation de l'équipement. Le type C peut être utilisé avec tous les types de poudres. Enfin, le big bag type D est similaire au type C, mais ne nécessite pas de mise à la terre.

QUE DOIVENT PRENDRE EN COMPTE LES INDUSTRIELS POUR RÉUSSIR LEUR CHOIX DE BIG BAGS ?

M. S. : Lorsqu'un industriel souhaite s'équiper d'un big bag, la première étape est de connaître la sensibilité à l'inflammation (EMI) de la poudre à conditionner/stocker. Si le produit ne pose pas de problème particulier, un big bag type A pourra suffire. S'il est légèrement sensible, un big bag type B sera préconisé. Enfin, s'il est très sensible, il sera nécessaire d'opter pour une solution plus sécurisante avec un big bag type C ou type D. Dans certains cas, il peut aussi être possible de jouer sur les débits : en réduisant le débit de vidange ou de remplissage, on réduit le processus de génération de charges électrostatiques. Il faut retenir que quand on utilise une toile de big bag réalisée en matériau traité conducteur, la mise à la terre évite le risque de décharge électrostatique, et quand on utilise un matériau non traité du point de vue antistatique (isolant du point de vue électrique), la mise à la terre est inefficace : la charge électrostatique est stockée dans le matériau isolant et peut donner lieu à tout moment à une décharge de petite énergie On appelle ce phénomène « décharge en aigrette », suffisant pour enflammer des gaz. Une autre situation plus critique existe : lorsque la toile isolante est doublée d'une membrane conductrice, cela peut provoquer un effet condensateur. Les charges s'accumulent très vite et génèrent des risques de décharges très violentes. Ce type d'équipements est aujourd'hui évité.

PEUVENT-ILS S'AIDER DE BASES DE DONNÉES DÉJÀ EXISTANTES ?

M. S. : Lors de l'évaluation des risques, les industriels doivent analyser la sensibilité à l'inflammation de la poussière. Avant de nous solliciter pour réaliser des tests, le premier réflexe qu'ils doivent avoir est de consulter la base de données mise à disposition par l'INRS, qui se nomme CarAtex. Directement accessible en ligne, cette base de données permet de savoir si une poudre similaire a déjà été testée, et donc d'obtenir un ordre de grandeur de l`EMI en identifiant la granulométrie testée. La plupart du temps, un industriel saura quel type de big bag il doit utiliser, sans qu'il soit nécessaire d'entrer davantage dans le détail.

LES OPÉRATIONS DE MANUTENTION NÉCESSITENT-ELLES AUSSI UNE ATTENTION PARTICULIÈRE ?

M. S. : Les risques les plus critiques sont identifiés lors du remplissage et de la vidange des big bags : l'industriel maîtrise le risque électrostatique en choisissant le bon type de big bag et en mettant en œuvre les règles de mise à la terre et de continuité électrique de l'installation. Mais d'autres risques sont identifiés lors de la manutention : les big bags sont gerbés, secoués, parfois renversés, etc. Ces derniers ne sont pas parfaitement étanches, si bien qu'une accumulation de poussière pourra se former dans un entrepôt : cette poussière mise en suspension génère une zone ATEX et il suffit d'une étincelle ou d'un point chaud pour entraîner une explosion. Il est donc indispensable de réaliser un nettoyage régulier des entrepôts. Nous voyons parfois sur site des croix placées au sol : les industriels fixent une fréquence de nettoyage de la zone, et lorsque cette croix n'est plus visible, ils augmentent cette fréquence. C'est à l'industriel de trouver les bons modes de nettoyage en fonction de son retour d'expérience et de les réévaluer régulièrement. Il s'agit de mesures organisationnelles et pragmatiques.

 

Pour plus d'informations et de détails, veuillez consulter : La norme internationale en vigueur IEC 61340-44:2018, janvier 2018, Électrostatique - Partie 4-4 : Méthodes d'essai normalisées pour des applications spécifiques - Classification électrostatique des grands récipients pour vrac souples (GRVS).